François Bayrou : Expression de ce vieux monde inextricable
Les rumeurs étaient donc vraies, c’est bien François Bayrou, maire de Pau âgé de 73 ans, qui
succéda à l’éphémère Michel Barnier, premier ministre durant à peine trois mois, et qui siège
désormais à Matignon en tant que chef du gouvernement. Président du MoDem de centre gauche et
vieil allié macroniste, on prend les mêmes et on recommence. Le changement, ce n’est pas pour
maintenant. Sous la volonté d’Emmanuel Macron d’écarter La France insoumise et le
Rassemblement National, il s’agissait de nommer un premier ministre qui éviterait la censure de ces
deux grands partis en se situant en dehors de leur portée, se rapprochant ainsi du groupe centriste
rattaché au camp présidentiel. Le groupe Les Démocrates et ses 34 députés dont fait essentiellement
partie le MoDem était une donc une stratégie visant à éviter une potentielle future censure. Sur un
total de 575 sièges pourvus, le groupe Rassemblement National comptant 124 membres et le
Nouveau Front populaire 193, soit légèrement au dessus de la majorité requise afin d’amener à la
censure du nouveau premier ministre, il fallait donc composer une majorité permettant le maintien
de ce dernier. Selon divers médias dont nos confrères du JDD, François Bayrou aurait menacé
Emmanuel Macron de retirer les 34 députés MoDem du bloc présidentiel si ce dernier refusait de le
nommer, ce qui serait là la réelle raison de sa nomination alors même que le président l’eut prévenu
par téléphone qu’il ne serait pas premier ministre !
Vers une connivence Bayrou/Le Pen ?
Rappelons qu’il manqua à Marine Le Pen des dizaines de parrainages en 2022 pour se représenter
lors de l’élection présidentielle. Il s’agit des fameux 500 parrainages dont le nombre est
volontairement placé trop haut pour empêcher d’authentiques partis de pouvoir se présenter à ladite
élection. Il manqua alors à la représentante du RN près de 80 à 90 parrainages. Bayrou à la
rescousse alla donc la parrainer, lui permettant d’affronter Emmanuel Macron en final. Il justifia
alors son action par la volonté de « sauver la démocratie », en réalité dans l’objectif de permettre à
Emmanuel Macron de gagner le duel, Marine face à lui le menant indéniablement vers la victoire.
De plus, il s’est récemment opposé à l’exécution provisoire de la très probable peine d’éligibilité de
Marine Le Pen : « Dans une démocratie, on doit pouvoir faire appel de toutes les décisions » ; lui-
même ayant été soupçonné par le passé (puis relaxé) d’user des mêmes malversations que celles
reprochées à Marine Le Pen, à savoir le détournement de fonds européens à des fins de
financements d’organisations centristes. Mais va-t-elle lui en tenir grâce et décider de ne pas voter
de motion de censure face à lui ? Ce n’est pas certain, d’autant que LFI est déjà vent debout contre
lui, n’acceptant pas d’avoir été écartée par le président. Pour le moment, Marine se veut prudente et
a fait savoir que François Bayrou, comme son prédécesseur Michel Barnier, ne devra pas dépasser
ses « lignes rouges » notamment en ce qui concerne l’élaboration du budget de l’an prochain. Il n’est
à craindre que ce dernier hélas, macroniste pure souche, ne suive les pas de son précurseur, répétant
ainsi la séquence politique que nous venons de suivre, mêlant censure et tambouille politicienne.
Notons qu’il est tout de même intéressant de voir une Marine Le Pen user de son pouvoir et faire
pression sur un gouvernement en perdition, s’éloignant ainsi, du moins momentanément, de sa
position attentiste que la gauche qualifie de « Macro-Lepénisme ». Par l’occasion et dénonçant un
budget 2025 qu’elle juge « socialiste », elle se droitise en se positionnant donc comme libérale. Ce
qui, étant donné le flou régulier du RN quant à ses divers positionnements, notamment sur le plan
économique, n’est pas sans intérêt. La fille Le Pen s’étant éloigné du libéralisme économique de son
père pour se positionner à gauche et opter pour des positions très socialiste, en fait très proches
jusqu’alors de celles de La France insoumise, ce qui peut choquer mais qui n’est pas faux pour
autant.
Sempiternel discours d’intronisation
Le traditionnel discours d’intronisation du nouveau premier ministre fut, sans surprise, d’une
banalité et d’une insipidité consternante. Nous sommes vendredi 13 décembre, il est près de 17h30,
le moment de la passation de pouvoir est venu, de Michel Barnier à François Bayrou, à l’hôtel de
Matignon. Entre remerciements et « gratitude », Bayrou évoquant le « risque » que Barnier aurait
pris…mais quel risque ? Lui-même se targuant à son tour d’avoir pris des risques : « J’ai pris des
risques inconsidérés dans ma vie politique », soit une vaste plaisanterie au regard de celui qui est
tout de même un homme qui mange à tous les râteliers. Il ajoute : « Ma ligne de conduite sera de ne
rien cacher, de ne rien négliger et de ne rien laisser de côté », de ne rien cacher ? Encore heureux !
De ne rien négliger, vraiment ? De ne rien laisser de côté ? Même les sans dents ? Être abreuvé de
ce genre de déclarations vides de sens est insupportable. Que retenir d’une telle déclaration,
concrètement ? Qu’en déduire quant à sa ligne politique ? C’est d’une banalité sans nom, d’une
hypocrisie débordante et d’une arrogance pénible…ça laisse rêveur ! Sans omettre les trop fréquents
« je pense que », alors que nous ne lui demandons pas de penser mais bien d’agir, enfin. Puis, tout
de même, avoir le culot de dénoncer une « situation héritée de décennies entières »… Ne sont-ce pas
là pourtant les vôtres qui ont crée et augmenté cette dette abyssale ? Cette gauche cosmopolite et
mondialiste, ce régime ploutocratique qui nous écrase continuellement, de mal en pis ? Ne nous
arrêtons pas là, il va plus loin dans le mensonge : « Si je peux…j’essaierai de débarrasser notre vie
publique et nos débats des paroles artificielles, des mots dont on a le sentiment qu’ils étaient écrit
bien avant qu’on les prononce… » Le tout en tenant dans sa main une fiche toute préparée sur
laquelle sont écrites les grandes lignes de son discours…il fallait oser ! Faire sauter le « mur de
verre » entre les citoyens et les dirigeants, ce n’est pas gagné ! Autre point qu’il met en avant : « un
destin dont on n’était plus maître et dans lequel on n’avait aucune chance de progression…je pense à
l’école…on aurait tort d’oublier les villages », citer les villages en exemple pour marquer des points
à droite, pourquoi s’en priver ? C’est gratuit et ça ne mange pas de pain, et ce juste après avoir cité
les quartiers, point à gauche cette fois. Peut-être une dernière chose, François Bayrou explique qu’il
n’a eu qu’un seul ami durant sa vie : Henri IV, auquel il a « consacré beaucoup de livres ». Faisant
un lien entre lui et le monarque, pour ne pas dire la comparaison. Et d’ajouter : « Si je peux, à mon
tour, j’essaierai de servir cette réconciliation nécessaire ». Alors bonne chance, car le chemin ne sera
pas simple, surtout si sa fonction de premier ministre aura eu une fin aussi tragique que celle de son
prédécesseur, et aussi courte… Ce sera tout pour les grandes lignes de son discours. En somme, peu
d’éléments à retenir si ce n’est les habituelles banalités répétées à foison, constante récurrente de nos
hommes politiques actuels.
Et la populace dans tout ça ?
Les temps sont durs pour les honnêtes gens, dépourvus de toute représentation politique au
gouvernement, écartés comme des pestiférés par le pouvoir en place, les deux grands groupes
populistes que sont le RN et le NFP étant donc totalement éloignés par le pouvoir macroniste, et ce
sous couvert de fonder un gouvernement « d’intérêt général », ce qui n’a aucun sens, car cela
signifie donc que les précédents gouvernement n’étaient pas dans l’intérêt des français. Rappelons
que la France se place à la 23ème position mondiale quant à son indice de démocratie, après un
statut de « démocratie défaillante » en 2020 suite à la gestion tyrannique de la « crise sanitaire »
mêlant obligation de séjourner chez soi et strict rationnement des courses alimentaires. Esseulé et
maintenant sa volonté de gouverner jusqu’au terme de son mandat en 2027, volonté explicitée lors
de son allocution post-censure, Emmanuel Macron entend tenir bon, malgré la colère grandissante,
la menace d’une potentielle future censure et les manifestations à venir. Car, ne nous y trompons
pas, bien que le sujet soit en « pause », le projet de loi visant à promouvoir l’euthanasie, appelé avec
cynisme « aide à mourir » adviendra tôt ou tard. Il ne s’agit pas d’améliorer le train de vie quotidien
des français mais bien de les fondre dans un magma cosmopolite dénué de toute spiritualité, de les
plonger dans un matérialisme le plus mercantile, où la vie n’a plus aucun sens, où travailler n’est
plus que notre unique raison d’être et où l’après n’est plus qu’une illusion. Car l’infâme ambition
derrière cette loi, car un retraité coûte cher et ne produit plus, est de s’en débarrasser le plus tôt
possible. Bayrou continuera évidemment dans cette voie, dans l’élaboration d’un monde arc-en-ciel,
utopie égalitaire où les races n’existeraient plus, où la capitale du monde serait située à Jérusalem
dixit Jacques Attali, et où les religions seraient vidées de leur substance et ne subsisterait en
conséquence que leur mantra laïcard répété ad nauseam matin, midi et soir. Tel est ce monde
esquissé par Macron et ses mercenaires, Bayrou désormais à la tête du système, qui nous menace de
jour en jour, dans notre quotidien et dans nos craintes. Finalement, c’est peut-être Simone Veil, qui
n’est pourtant pas notre tasse de thé, c’est le moins qu’on puisse dire, qui décrivit le mieux le
personnage : « Je connais tout son passé et ses trahisons successives ». Et d’ajouter qu’en tant que
candidat à la présidentielle de 2007 il était « le pire de tous ». Pascal Praud quant à lui le qualifia
d’« enfant de Judas » durant son édito du 12 décembre. Décidément, avec quatre premiers ministres
se succédant les uns aux autres tels des clones lors d’une même année 2024, nous ne sommes pas
sortis de l’auberge…
Florian Adam