Il faut laisser le passé dans l’oubli et l’avenir dans la providence. Bossuet

Patrice Magneron (Responsable Régional Place d’Armes iDF, Jean Mathieu (Responsable Place d’Armes 78), Malika, Mohamed Djafour (Président Générations Harkis et leurs amis)

A l’invitation de l’association Générations Harkis et leurs amis, PLACE D’ARMES IDF a participé à la première projection du film « N’en parlons plus » mercredi 7 juin des réalisateurs Cécile Khindria et Vittorio Moroni.

Pour Raymond Queneau, les grandes douleurs sont muettes. Elles se conjuguent parfois avec la quiétude de l’oubli.

Oublier quand la blessure est trop forte, trop pesante mais aussi trop présente.

Oublier pour ne pas gêner ; oublier, effacer pudiquement les souvenirs de sa mémoire et s’effacer, disparaitre face au tumulte de la vie. Et puis qui s’intéresse au sort des autres dans le malheur ? Les drames personnels doivent rester personnels au risque de tomber dans un pathos voyeuriste.

Ces hommes et femmes accompagnés de leurs enfants s’en sont certainement remis à la providence à leur départ de l’Algérie en 1962. Les conditions difficiles,impossibles,de leur vie dans leur propre pays les ont amenés à tout quitter, à tout perdre.

Sur fond de chaos, ils sont arrivés. Chargés d’espérance et de foi envers l’Ami auprès duquel ils avaient combattus, ils ont remis entre ses mains leur avenir et celui de leurs enfants. Comment pouvaient ils s’imaginer que leur situation précaire s’éterniserait dans des camps où le sordide le dispute à la misère ?

Comment pouvaient-ils s’imaginer que cet « Ami » les abandonnerait à leur sort, sur un territoire inconnu, parqués comme des animaux, interdits de sortie comme pour mieux cacher sa propre honte de ne pas vouloir mieux les accueillir ?

Le drame des Harkis est avant tout celui de la France et de la même façon que les anciens se sont progressivement éteints sans transmettre à leurs enfants et petits-enfants cette page sombre de leur vie, la France a participé à cet oubli déshonorant en occultant la tragédie.

S’il n’était un film et la volonté farouche de Mohamed Djafour, président de Générations Harkis et leurs amis de se souvenir pour mieux transmettre, que resterait-il de cette page de l’histoire de leur vie ?

Ce film raconte les difficultés passées, mais surtout celles d’aujourd’hui à raconter l’impensable. Ce film retrace l’histoire de la vie d’un camp, celui de Bias (Lot et Garonne), dans lequel les drames se succèdent. C’est l’histoire d’une famille, plus précisément d’une petite fille qui, en cherchant à comprendre le passé de ses grands-parents réfugiés et de la communauté harki, se retrouve confrontée dans un premier temps au mur du silence.

Ce silence est douleur mais pas oubli. Comment oublier tout cela ?

Avec  beaucoup de pudeur, ce film nous entraine dans les méandres d’une mémoire qui ne demande qu’à témoigner et pourtant bridée par la volonté de ne rien dire, de ne rien laisser paraître.

Il faudra la ténacité de cette jeune femme pour que cette citation de Hugo se vérifie : « l’oubli n’est autre chose qu’un palimpseste. Qu’un accident survienne, et tous les effacements revivent dans les interlignes de la mémoire étonnée »

Et si on en parlait ?

P.MAGNERON

Responsable Régional Place d’Armes IDF

3 commentaires sur “N’en parlons plus…

  1. Voilà un propos sensible à l’effacement de femmes et d’hommes, les Harkis, dont le coeur était acquis sans condition à la France, réduits depuis 60 ans à n’être que des ombres.
    Merci de nous signaler ce film, Patrice, par cette critique éloquente vue sous l’angle du traitement intime de la souffrance de leur âme, portée par leurs descendants.
    N’en parlons plus…
    Et si on en parlait ?
    D’accord, parlons-en !
    A la prochaine réunion, en lieu et place d’une conférence. Pour trouver l’idée et fixer un projet bâtisseur en commun.

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